Série : Banques contre Peuples : les dessous d’un match truqué ! (1ère partie)
2007-2012 : 6 années qui ébranlèrent les banques
par Eric Toussaint
Depuis 2007-2008, les grandes banques centrales (BCE, Banque d’Angleterre, Fed aux Etats-Unis, Banque de Suisse) donnent la priorité absolue à tenter d’éviter un effondrement du système bancaire privé.
Contrairement au discours dominant, le risque principal qui menace les banques n’est pas la suspension du paiement de la dette souveraine |1| par un Etat. Aucune des faillites bancaires depuis 2007 n’a été provoquée par un tel défaut de paiement. Aucun des sauvetages bancaires organisés par les Etats n’a été rendu nécessaire par une suspension de paiement de la part d’un Etat surendetté. Ce qui menace les banques depuis 2007, c’est le montage de dettes privées qu’elles ont progressivement construit depuis la grande dérèglementation qui a commencé à la fin des années 1970 et qui s’est achevée au cours des années 1990. Les bilans des banques privées sont toujours bourrés d’actifs |2| douteux : cela va d’actifs carrément toxiques qui constituent de véritables bombes à retardement à des actifs non liquides (c’est-à-dire qui ne peuvent pas être revendus, écoulés, sur les marchés financiers) en passant par des actifs dont la valeur est tout à fait surfaite dans les bilans bancaires. Les ventes et les dépréciations d’actifs que les banques ont jusqu’ici enregistrées dans leurs comptes afin de réduire le poids de ces actifs explosifs ne suffisent pas. Un nombre significatif d’entre elles dépendent d’un financement à court terme (fournis ou garantis par les pouvoirs publics avec l’argent des contribuables) pour se maintenir à flot |3| et pour faire face à des dettes elles-mêmes à court terme. C’est ce qui a mis la banque franco-belge Dexia, véritable hedge fund de très grande taille, trois fois au bord de la faillite en 4 ans : octobre 2008, octobre 2011 |4| et octobre 2012 |5|. Au cours de l’épisode le plus récent, début novembre 2012, les Etats français et belges ont apporté une aide de 5,5 milliards d’euros (dont 53 % à la charge de la Belgique) pour recapitaliser Dexia SA, société financière moribonde, dont les fonds propres ont fondu. Selon Le Soir : « Les capitaux propres de Dexia maison-mère sont passés de 19,2 milliards à 2,7 milliards d’euros entre fin 2010 et fin 2011. Et au niveau du groupe, les fonds propres totaux sont devenus négatifs (-2,3 milliards d’euros au 30 juin 2012) » |6|. Fin 2011, les dettes immédiatement exigibles de Dexia SA s’élevaient à 413 milliards d’euros et les montants dus au titre de contrats de dérivés à 461 milliards d’euros. La somme de ces deux montants représentait plus de 2,5 fois le PIB de la Belgique ! Pourtant les dirigeants de Dexia, le vice-premier ministre belge Didier Reynders et les médias dominants prétendent encore que le problème de Dexia SA est largement provoqué par la crise des dettes souveraines dans le sud de la zone euro. La vérité, c’est que les créances de Dexia SA sur la Grèce ne dépassaient pas 2 milliards d’euros en octobre 2011, soit 200 fois moins que les dettes immédiatement exigibles. En octobre 2012, l’action Dexia valait environ 0,18 euro, soit 100 fois moins qu’en septembre 2008. Malgré cela, les Etats français et belge ont décidé une fois de plus de renflouer cette société de défaisance en faisant du coup augmenter la dette publique de leur pays. En Espagne, la quasi faillite de Bankia a également été causée par des montages financiers douteux, et non pas par un quelconque défaut de paiement de la part d’un Etat. Depuis 2008, le scénario s’est répété une bonne trentaine de fois en Europe et aux Etats-Unis : à chaque fois, les pouvoirs publics se sont mis (et se mettent systématiquement) au service des banques privées en finançant leur sauvetage par l’emprunt public.
Retour sur le démarrage de la crise en 2007
Le montage gigantesque de dettes privées a commencé à s’effondrer avec l’éclatement de la bulle spéculative dans l’immobilier aux Etats-Unis (suivi par l’immobilier en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne,…). La bulle immobilière a éclaté aux Etats-Unis quand les prix des logements produits en trop grande quantité ont commencé à chuter car de plus en plus de constructions ne trouvaient plus d’acquéreurs.
Les explications tronquées ou carrément mensongères de la crise qui a éclaté aux Etats-Unis en 2007, avec un énorme effet de contagion vers l’Europe occidentale principalement, ont prévalu dans les interprétations données par les médias dominants. Régulièrement en 2007 et durant une bonne partie de 2008, on a expliqué à l’opinion publique que la crise avait démarré aux Etats-Unis parce que les pauvres s’étaient trop endettés pour acquérir des maisons qu’ils n’étaient pas en mesure de payer. Le comportement irrationnel des pauvres était pointé du doigt comme ayant provoqué la crise. A partir de fin septembre 2008, après la faillite de Lehman Brothers, le discours dominant a changé et a commencé à pointer les brebis galeuses qui au sein de monde de la finance avaient perverti le fonctionnement vertueux du capitalisme. Mais il n’en reste pas moins que les mensonges ou les présentations tronquées ont continué à circuler. On passait des pauvres responsables de la crise aux pommes pourries présentes dans la classe capitaliste : Bernard Madoff, qui a monté une arnaque de 50 milliards de dollars ou Richard Fuld, le patron de Lehman Brother.
Les prémisses de la crise remontent à 2006 lorsque débute aux Etats-Unis la chute du prix de l’immobilier provoquée par la surproduction, elle-même provoquée par la bulle spéculative qui en enflant le prix de l’immobilier avait amené le secteur de la construction à augmenter exagérément son activité par rapport à la demande solvable. C’est la chute du prix de l’immobilier qui a entraîné l’augmentation du nombre de ménages incapables de payer leurs mensualités de crédits hypothécaires subprimes. En effet, aux Etats-Unis, les ménages ont la possibilité et la coutume, quand les prix de l‘immobilier sont à la hausse, de refinancer leur emprunt hypothécaire au bout de 2 ou 3 ans afin d’obtenir des termes plus favorables (d’autant que dans le secteur des prêts subprimes, le taux des 2 ou 3 premières années était faible et fixe, autour de 3%, avant de grimper très fort et de devenir variable à la 3 ou 4e année). Vu que les prix de l’immobilier ont commencé à baisser dès 2006, les ménages qui avaient eu recours aux prêts subprimes n’ont plus été en mesure de refinancer favorablement leur crédit hypothécaire, les défauts de paiement ont commencé à se multiplier très fortement dès le début de 2007 ce qui a provoqué la faillite de 84 sociétés de crédit hypothécaire aux Etats-Unis entre janvier et août 2007.
Comme très souvent, alors que la crise est expliquée de manière simpliste par l’éclatement d’une bulle spéculative, en réalité, il faut chercher la cause à la fois dans le secteur de la production et dans la spéculation. Bien sûr, le fait qu’une bulle spéculative ait été créée et ait fini par éclater ne fait que démultiplier les effets de la crise qui a démarré dans la production. Tout l’échafaudage des prêts subprimes et des produits structurés créés depuis le milieu des années 1990 s’est effondré, ce qui a eu de terribles retombées sur la production dans différents secteurs de l’économie réelle. Les politiques d’austérité ont par la suite encore amplifié le phénomène en débouchant sur la période récessive-dépressive prolongée dans laquelle l’économie des pays les plus industrialisés se trouve enlisée.
L’impact de la crise de l’immobilier aux Etats-Unis et de la crise bancaire qui lui succéda a eu un énorme effet de contagion internationale car de nombreuses banques européennes avaient massivement investi dans les produits structurés et dérivés états-uniens. Depuis les années 1990, la croissance aux Etats-Unis et dans plusieurs économies européennes a été soutenue par une hypertrophie du secteur financier privé et par une augmentation formidable des dettes privées : dettes des ménages |7| , dettes des entreprises financières et non financières. En revanche, les dettes publiques ont eu tendance à baisser entre la deuxième moitié des années 1990 et 2007-2008.
Hypertrophie du secteur financier privé, donc. Le volume des actifs des banques privées européennes en rapport au produit intérieur brut a gonflé de manière extraordinaire à partir des années 1990 pour atteindre dans l’Union européenne 3,5 fois le PIB des 27 pays membres de l’UE en 2011 |8| . En Irlande, en 2011, les actifs des banques représentaient 8 fois le produit intérieur brut du pays.
Les dettes des banques privées |9| de la zone euro représentent également 3,5 fois le PIB de la zone. Les dettes du secteur financier britannique atteignent des sommets en proportion du PIB : elles lui sont 11 fois supérieures La dette brute des Etats de la zone euro représentait 86% du PIB des 17 pays membres en 2011 |10| tandis que la dette publique représente environ 80% du PIB. La dette publique grecque représentait 162% du PIB grec en 2011 tandis que les dettes de son secteur financier représentent 311% du PIB, soit le double. La dette publique espagnole atteignait 62% du PIB en 2011 tandis que les dettes du secteur financier atteignaient 203%, soit le triple de la dette publique.
Un peu d’histoire : la mise en place d’une réglementation financière stricte à la suite de la crise des années 1930
Le krach de Wall Street en octobre 1929, l’énorme crise bancaire de 1933 et la période prolongée de crise économique aux Etats-Unis et en Europe des années 1930 ont amené le président Franklin Roosevelt, et par la suite l’Europe, à fortement réglementer le secteur financier afin d’éviter la répétition de graves crises boursières et bancaires. Conséquence : au cours des trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, le nombre de crises bancaires a été minime. C’est ce que montrent deux économistes néolibéraux nord-américains, Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff, dans un livre publié en 2009 et intitulé Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière. Kenneth Rogoff a été économiste en chef du FMI et Carmen Reinhart, professeur d’université, est conseillère du FMI et de la Banque mondiale. Selon ces deux économistes qui sont tout sauf favorables à une remise en cause du capitalisme, la quantité très réduite de crises bancaires s’explique principalement « par la répression des marchés financiers intérieurs (à des degrés divers), puis par un recours massif aux contrôles des capitaux pendant bien des années après la seconde guerre mondiale |11| » .
Une des mesures fortes prises par Roosevelt et par les gouvernements d’Europe (notamment sous la pression des mobilisations populaires en Europe après la Libération) a consisté à limiter et à règlementer strictement l’usage que les banques pouvaient faire de l’argent du public. Ce principe de protection des dépôts a donné lieu à la séparation entre banques de dépôt et banques d’investissement dont la loi américaine dite Glass Steagall Act a été la forme la plus connue mais qui a été appliquée également avec certaines variantes dans les pays européens.
Avec cette séparation, seules les banques commerciales pouvaient recueillir les dépôts du public qui bénéficiaient d’une garantie de l’Etat. Parallèlement à cela, leur champ d’activités avait été réduit aux prêts aux particuliers et aux entreprises, et excluait l’émission de titres, d’actions et de tout autre instrument financier. Les banques d’investissement devaient, quant à elles, capter leurs ressources sur les marchés financiers afin de pouvoir émettre des titres, des actions et tout autre instrument financier.
La dérèglementation financière et le virage néolibéral
Le virage néolibéral de la fin des années 1970 a remis en cause ces règlementations. Au bout d’une vingtaine d’années, la déréglementation bancaire et financière en général a été achevée. Comme le relèvent Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart, les crises bancaires et boursières se sont multipliées à partir des années 1980, elles ont également pris des formes de plus en plus aigües.
Dans le modèle traditionnel hérité de la période prolongée de règlementation, les banques évaluent et portent le risque, c’est-à-dire qu’elles analysent les demandes de crédit, décident ou non de les satisfaire, et, une fois les prêts consentis, les conservent dans leur bilan jusqu’à leur terme (on parle ici du modèle originate and hold, « octroyer et conserver »).
Profitant du profond mouvement de dérèglementation qu’elles ont suscité, les banques ont abandonné le modèle « octroyer et conserver » pour augmenter le rendement sur fonds propres. Pour ce faire, les banques ont inventé de nouveaux procédés, en particulier la titrisation qui consiste à transformer des crédits bancaires en titres financiers. L’objectif poursuivi était simple : ne plus conserver dans leurs comptes les crédits et les risques y afférents. Elles ont transformé ces crédits en titres sous la forme de produits financiers structurés qu’elles ont vendus à d’autres banques ou à d’autres institutions financières privées. On parle ici d’un nouveau modèle bancaire dit originate to distribute, « octroyer et céder », appelé également originate repackage and sell, « octroyer, restructurer et vendre ». Pour la banque, l’avantage est double : elle diminue son risque en sortant de son actif les crédits qu’elle a consentis et elle dispose de moyens supplémentaires pour spéculer.
La dérèglementation a permis au secteur financier privé et notamment aux banques de faire jouer fortement ce qu’on appelle l’effet de levier. Xavier Dupret décrit clairement le phénomène : « Le monde bancaire s’est beaucoup endetté, ces dernières années, via ce que l’on appelle les effets de levier. L’effet de levier consiste à recourir à l’endettement pour augmenter la rentabilité des capitaux propres. Et pour qu’il fonctionne, il faut que le taux de rentabilité du projet sélectionné soit supérieur au taux d’intérêt à verser pour la somme empruntée. Les effets de levier sont devenus de plus en plus importants avec le temps. Ce qui n’est évidemment pas sans poser problème. Ainsi, au printemps 2008, les banques d’investissement de Wall Street avaient des effets de levier qui oscillaient entre 25 et 45 (pour un dollar de fonds propres, elles avaient emprunté entre 25 et 45 dollars). Ainsi, Merrill Lynch avait un effet de levier de 40. Cette situation était évidemment explosive car une institution qui a un effet de levier de 40 pour 1 voit ses fonds propres effacés avec une baisse de 2,5% (soit 1/40) de la valeur des actifs acquis. » |12|Grâce à la dérèglementation, les banques ont pu développer des activités impliquant des volumes gigantesques de financement (et donc de dettes) sans les prendre en compte dans leur bilan comptable. Elles font du hors bilan à un point tel qu’en 2011 le volume des activités en question dépasse 67 000 milliards de dollars (ce qui équivaut environ à la somme des PIB de tous les pays de la planète) : c’est ce qu’on appelle l’activité bancaire de l’ombre, le shadow banking |13|. Quand l’activité hors bilan aboutit à des pertes massives, cela se répercute tôt ou tard sur la santé des banques qui les ont initiées. Ce sont les grandes banques qui dominent de très loin cette activité de l’ombre.
La menace de la faillite amène les Etats à se porter à leur secours notamment en les recapitalisant. Alors que les bilans officiels des banques ont enregistré une réduction de volume depuis le début de la crise en 2007-2008, le volume du hors bilan, le shadow banking, n’a pas suivi la même évolution. Après avoir décliné entre 2008 et 2010, il est revenu en 2011-2012 au niveau de 2006-2007, ce qui est un symptôme clair de la dangerosité de la situation des finances privées mondiales. Du coup, la portée de l’action des institutions publiques nationales et internationales qui sont en charge, pour reprendre leur vocabulaire, de ramener la finance à des comportements plus responsables est très limitée. Les régulateurs ne se donnent même pas les moyens de connaître les activités réelles des banques qu’ils sont censés contrôler.
Le Conseil de stabilité financière (CSF), l’organe érigé par le forum du G20 en charge de la stabilité financière mondiale, a livré les chiffres 2011. « La taille du ‘shadow banking’ échappant à toute régulation est de 67.000 milliards de dollars selon son rapport consacré à 25 pays (90% des actifs financiers mondiaux). Ce sont 5.000 à 6.000 milliards de plus qu’en 2010. Ce secteur ‘parallèle’ représente à lui seul la moitié de la taille des actifs totaux des banques. Rapportée au Produit Intérieur Brut du pays, la banque de l’ombre prospère à Hong-Kong (520%), aux Pays-Bas (490%), au Royaume-Uni (370%), à Singapour (260%) et en Suisse (210%). Mais, en terme absolu, les Etats-Unis restent en première position puisque la part de ce secteur parallèle représente 23.000 milliards d’actifs en 2011, suivi de la zone euro (22.000 milliards) et du Royaume-Uni (9.000 milliards). » |14|
Une grande partie des transactions financières échappe totalement au contrôle officiel. Comme dit précédemment, le volume de l’activité bancaire de l’ombre représente la moitié de la taille des actifs totaux des banques ! Il faut également prendre la mesure du marché de gré à gré (OTC) – c’est-à-dire sans contrôle de la part des autorités des marchés - des produits financiers dérivés. Le volume des produits dérivés s’est développé de manière exponentielle entre les années 1990 et les années 2007-2008. Bien qu’elle ait un peu décliné au début de la crise, la valeur notionnelle des contrats de dérivés sur le marché de gré à gré a atteint en 2011 la somme astronomique de 650 000 milliards de dollars (650 000 000 000 000 $), soit environ 10 fois le PIB mondial. Le volume du 2e semestre de 2007 est dépassé et celui du premier semestre 2008 est en vue… Les swaps sur les taux d’intérêts représentent 74% du total tandis que les dérivés sur le marché des devises représentent 8%, les Credit default swaps (CDS) 5%, les dérivés sur les actions 1%, le reste se répartissant en une multitude de produits.
Depuis 2008, les sauvetages bancaires n’ont pas débouché sur des comportements plus responsables
La crise financière de 2007 a vu les banques, pourtant coupables d’agissements répréhensibles et de prises de risque inconsidéré, bénéficier de massives injections de fonds à travers de nombreux et coûteux plans de sauvetage. Dans une étude très documentée |15| , deux chercheurs se sont attachés à vérifier « si les opérations de sauvetage public ont été suivies par une plus grande réduction de risques dans les nouveaux prêts consentis par les banques secourues par rapport à celles qui ne l’ont pas été ». Pour ce faire, les auteurs ont analysé le bilan et les prêts syndiqués (il s’agit des crédits consentis à une entreprise par plusieurs banques) accordés par 87 grandes banques commerciales internationales. Les auteurs ont relevé que « les banques aidées ont continué à signer des prêts syndiqués à risques » en observant que « les prêts syndiqués des banques qui avaient bénéficié d’un renflouement par la suite étaient plus risqués avant la crise que ceux des institutions non aidées ». Loin de constituer un remède et un garde-fou efficace contre les errements des banques, les plans de sauvetages des Etats ont au contraire constitué pour nombre d’entre elles un puissant incitateur à la poursuite et à l’intensification de leurs pratiques coupables. En effet, « la perspective d’un soutien de l’Etat peut entraîner un aléa moral et amener les banques à une plus grande prise de risque » |16| .
En somme, une grave crise des dettes privées provoquée par les agissements irresponsables des grandes banques a ensuite poussé les dirigeants états-uniens et européens à leur venir en aide grâce aux fonds publics. La musique lancinante de la crise des dettes souveraines a alors pu être entonnée pour imposer des sacrifices brutaux aux peuples. La déréglementation financière des années 1990 a été le terreau fertile pour cette crise aux conséquences sociales dramatiques. Tant qu’ils ne materont pas la finance internationale, les peuples seront à sa merci. Ce combat doit être intensifié au plus vite.
Notes
|1| La dette souveraine est la dette d’un Etat et des organismes publics qui lui sont rattachés.
|2| En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (capitaux propres apportés par les associés, provisions pour risques et charges, dettes). Voir : http://www.banque-info.com/
|3| De nombreuses banques dépendent d’un financement à court terme car elles éprouvent d’énormes difficultés à emprunter au secteur privé à un coût soutenable (c’est-à-dire le plus bas possible) notamment sous la forme d’émission de titres de dette.
Comme nous le verrons plus loin, la décision de la BCE de prêter un peu plus de 1000 milliards d’euros à un taux d’intérêt de 1% pour une période de 3 ans à plus de 800 banques européennes a constitué une planche de salut pour un grand nombre d’entre elles. Par la suite, grâce à ces prêts de la BCE, les plus fortes d’entre elles ont de nouveau eu la possibilité d’émettre des titres de dette pour se financer. Cela n’aurait pas été le cas si la BCE n’avait pas joué le prêteur en dernier ressort et ce pour 3 ans.
|4| Sur l’épisode d’octobre 2011, voir Eric Toussaint, « Krach de Dexia : un effet domino en route dans l’UE ? », 4 octobre 2011, http://cadtm.org/Krach-de-
|5| Sur l’épisode d’octobre 2012 qui a abouti à un nouveau sauvetage sous la forme d’une recapitalisation, voir Eric Toussaint, « Fallait-il à nouveau injecter de l’argent dans Dexia ? », Le Soir, 2 novembre 2012, http://cadtm.org/Fallait-il-a-
|6| Pierre-Henri Thomas, Bernard Demonty, Le Soir, 31 octobre 2012, p. 19, http://archives.lesoir.be/
|7| Les dettes des ménages incluent les dettes que les étudiants américains ont contractées pour payer leurs études. Les dettes des étudiants aux Etats-Unis atteignent le montant colossal de 1 000 milliards de dollars, c’est-à-dire plus que le total des dettes extérieures publiques de l’Amérique latine (460 milliards de dollars), de l’Afrique (263 milliards) et de l’Asie du Sud (205 milliards). Voir pour le montant des dettes de ces « continents » : Damien Millet, Daniel Munevar, Eric Toussaint, Les Chiffres de la dette 2012, tableau 7, p. 9. Téléchargeable : http://cadtm.org/Les-Chiffres-
|8| Voir Damien Millet, Daniel Munevar, Eric Toussaint, Les Chiffres de la dette 2012, tableau 30, p. 23. Ce tableau se base sur des données de la Fédération européenne du secteur bancaire, http://www.ebf-fbe.eu/index.
|9| Les dettes des banques ne doivent pas être confondues avec leurs actifs, elles font partie de leur « passif ». Voir plus haut la note de bas de page sur « Actif » et « Passif » des banques.
|10| Voir Damien Millet, Daniel Munevar, Eric Toussaint, Les Chiffres de la dette 2012, tableau 24, p. 18. Ce tableau utilise la base de données de recherche de Morgan Stanley, ainsi que http://www.ecb.int/stats/
http://www.bankofgreece.gr/
|11| Carmen M. Reinhart, Kenneth S. Rogoff, Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière, Pearson, Paris, 2010. Edition originale en 2009 par Princeton University Press.
|12| Xavier Dupret, « Et si nous laissions les banques faire faillite ? », 22 août 2012, http://www.gresea.be/spip.php?
|13| Voir Daniel Munevar, « Les risques du système bancaire de l’ombre », 21 avril 2012, http://cadtm.org/Les-risques-
Voir aussi : Tracy Alloway, “Traditional lenders shiver as shadow banking grows”, Financial Times, 28 décembre 2011
|14| Voir Richard Hiault, « Le monde bancaire « parallèle » pèse 67.000 milliards de dollars », Les Echos, 18 novembre 2012, http://www.lesechos.fr/
|15| Michel Brei et Blaise Gadanecz, “Have bailouts made banks’loan book safer ?”, Bis Quaterly Review, september 2012, pp. 61-72. Les citations de ce paragraphe en sont issues.
|16| Ibid.
L’auteur remercie Patrick Saurin, Daniel Munevar, Damien Millet et Virginie de Romanet pour l’aide qu’ils ont apportée à l’élaboration de cet article.
Eric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, est président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org) et membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il a écrit, avec Damien Millet, AAA. Audit Annulation Autre politique, Seuil, Paris, 2012.